Genèses
L'étiquette de mon pull me gratte. Autant l'enlever, de toute façon il fait assez chaud en cette après midi de printemps. Nous sommes tous réunis à l'étage. Etonnement, pas un bruit ou presque dans les rangs. On a fermé les volets pour gagner un peu d'obscurité, mais les volets sont à claire voies alors la pénombre n'est pas aussi profonde que souhaitée. Seul parvient le bruit caractéristique de l'appareil diapo. Je ne sais pas qui sont ces jeunes exactement. Des anciens élèves peut-être. Ils viennent nous faire part de ce qu'ils ont vécu en coopération. Ils sont partis deux ans enseigner quelque part en Afrique, j'ai perdu le nom du pays. A la fin, on applaudit. Et on nous demande si parmi nous certains seraient intéressés pour partir un jour à l'étranger. Beaucoup de mains se lèvent. Comme mes camarades, je ne me rends pas très bien compte de ce que ce cela représente de partir à l'étranger ni dans combien de temps on sera assez grand pour le faire. Cela ne nous empêche pas de lever fièrement la main. Nous sommes en quatrième.
L'épidémie a été rapide. Je n'y ai pas échappé : j'ai la rougeole. La moitié de l'internat des secondes-troisièmes est touché. J'ai gagné une petite semaine de vacances chez moi. On m'a mis en quarantaine. Je passe ma journée devant la télé. Je zappe sur la cinquième. C'est alors que je découvre « le fleur de Lampaul ». C'est un ancien navire à voile qui a été réhabilité et qui a pour mission d'emmener des jeunes découvrir le monde. Je deviens accro ! et oui, il y a eu une vie avant prison break ! Toute la semaine je ne loupe aucune émission. Par la suite, j'ai enregistré les émissions que je regardais le vendredi soir en rentrant de l'internat. J'ai terriblement envié ses gamins qui avaient cette chance incroyable d'aller découvrir le mode de vie de tribus dans la forêt amazonienne.
« Que reste t-il quand il ne subsiste plus rien? »
Il y a dans l'évangile un épisode que l'on appelle le « jugement dernier ». Jésus parle à ses disciples de la venue du Fils de l'Homme. Quand il viendra, il se placera sur son trône de gloire et séparera les gens les uns des autres. Il dira à ceux qu'il désigne : « venez recevoir mon royaume en héritage car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous être venu me voir ». Alors les gens lui répondront « mais tu déconnes Seigneur ! T'as jamais été en prison ! Tu n'as jamais été nu ou malade ! » Alors le Roi leur fera cette réponse : « en vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »
Ce que je trouve génial c'est que les actes posés pas les disciples ne l'ont pas été dans la perspective de gagner pleins de bons points pour le royaume des cieux mais au nom de la commune humanité que nous partageons. Les disciples ne se sont pas dits : « tiens, si l'on allait aider des pauvres, ça fera plaisir au Seigneur ». On retrouve quelques fois de tels arguments dans certains militantismes chrétiens. Allons aider les pauvres, c'est le Seigneur que l'on va rencontrer. Cela me semble absolument odieux. C'est faire de l'autre le moyen de mon salut ou de ma satisfaction. Or l'autre n'a évidement jamais à être vu comme un moyen mais toujours comme une fin. C'est une des bases de tout comportement moral. Tout ça pour dire que ce qui prime c'est la commune humanité qui nous rassemble et nous habite.
Voilà donc le fondement. Partir en coopération c'est pour moi aller à la rencontre d'hommes et de femmes d'une autre culture afin de découvrir la manière dont ils assument leur humanité, dont ils habitent le monde. Un décentrement de l'occident ; un recentrage sur ce qui fait notre humanité. Me vient cette question de Maurice Bellet : « Que reste t-il quand il ne reste plus rien ? Que nous soyons humains les uns pour les autres. »
De la Ferté Bernard à Tanlajas
Après deux années passées à la Ferté Bernard, j'ai fait la demande de partir en coopération. Je suis envoyé en VSI (Volontariat de Solidarité International) avec la DCC [pour plus d'info sur la DCC, cliquez sur le lien]. Je m'attendais à un poste d'enseignant de SVT en Afrique. On m'a proposé un poste d'animateur en pastorale au Mexique. J'avoue avoir vraiment hésité avant de donner ma réponse. Certains d'entre vous ont eu la chance de m'avoir quelques longues heures au téléphone. La prise de décision libère et fait grandir.
Je vais donc découvrir le Mexique. Un nouveau continent. Une nouvelle langue. Une nouvelle culture.
Quo vadis ?
Avant d'être le titre d'une marque d'agenda ou d'un roman, c'est d'abord une question : où vas-tu ? A la différence du poireau ou de la baleine à bosse, l'Homme ne peut pas ne pas se poser la question du sens (signification et direction). C'est quand qu'on va où ?
Ainsi, l'Homme marche, sans même savoir répondre précisément à cette question. Qu'est ce qui nous fait alors marcher ? La promesse. La promesse que cette marche a du sens, la promesse que jamais nous ne serons seuls. Nous avançons dans le doute et l'obscurité mais jamais seuls. Jamais sans le Christ, jamais sans ceux et celles qui nous sont donnés comme frères et sœurs en humanité. Avec au cœur cette ferme espérance : le jour viendra.
Je ne sais pas de quoi se fait demain. Je sais en revanche avoir ce besoin de vous partager ce que je vivrai.
Ce blog pour partager avec vous les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses qui seront les miennes et celles de ceux que je rencontrerai. La toile permet de tisser des liens. Je ne me fais aucune illusion sur une quelconque régularité dans la rédaction d'articles dont je me sais parfaitement incapable.
Voilà. ¡Hasta pronto !