dimanche 8 juin 2008

Être prof

Au terme de cette année et avant de partir, je voudrai rassembler ici quelques réflexions sur le métier d’enseignant. Professer, c’est parler devant, au devant, mais c’est aussi dire sa foi. Ces quelques lignes pour dire les raisons de ma joie d’avoir choisi l’enseignement.


Au commencement était l’étonnement
Être prof de SVT, c’est avoir la chance d’avoir pour objet d’étude la vie et la Terre. Quelque soit le thème d’étude, il est impossible de faire l’économie d’une réflexion sur le vivant. Toujours surgit la question du sens ; au-delà de la connaissance scientifique.

Le métier d’enseignant est métier de transmission. Que s’agit-il de transmettre ? Mon objectif, fixé par décret ministériel, est de transmettre des connaissances, de faire acquérir des compétences qui sont déterminées par le BO. Que retiendront-ils de leurs années de SVT ? Tel ou tel aspect, telle ou telle connaissance. Ils oublieront la formule chimique du glucose, les caractères dérivés aux groupes des hominoïdes, le principe de la sismique réfraction… et ils auront bien raison ! Cela, sauf exception, ne leur servira pas à grand-chose par la suite. Est-ce à dire qu’il est vain d’espérer qu’ils retiennent quelque chose de notre enseignement ? Je ne crois pas. Plus encore que les contenus, ce qu’ils garderont c’est la manière dont on l’a enseigné, ils en garderont un certains rapport avec la discipline (positif ou négatif d’ailleurs – J’ai toujours eu des profs nuls, la bio j’ai toujours trouvé ça inintéressant, c’est vraiment une matière que j’aimais bien…).

S’ils ne devaient garder qu’une seule chose, j’aimerai que ça soit l’étonnement face au vivant. Le travail sur le biologique ou le géologique ne cesse de faire surgir des questionnements. Il nous convoque à nous coltiner sans cesse avec les grandes questions de l’existence que le seul discours scientifique, absolument indispensable, ne peut étancher. Qu’est ce qu’un Homme ? Quelle est son origine ? C’est quoi être vivant ? Comment distinguer le soi du non-soi ? Sommes-nous totalement déterminés par nos gènes ? Peut-on accepter toutes les demandes de PMA ? Parmi les sujets du programme : la procréation. Nous avons pu développer quelques aspects de la transmission de la vie. Mais, combien même nous aurions un savoir absolu sur les premiers instants de la vie et sur le développement embryonnaire, jamais nous n’aurons fini de chercher la réponse à cette éternelle question, aussi enfantine qu’existentielle : « dis, maman, j’étais où avant d’être dans ton ventre ? »

Dans les années à venir les citoyens que seront nos élèves auront à se prononcer sur des choix de sociétés, sur des questions scientifiques ayant des implications éthiques (OGM, PMA, écologie…). Puissent-ils aborder ces questions en gardant en mémoire deux choses : premièrement, pour faire un choix éclairé et juste, il est indispensable d’avoir une bonne connaissance scientifique du sujet, deuxièmement, le critère de tout choix doit être la recherche du plus humanisant.

Au final, il ne s’agit donc pas tant de transmettre un contenu qu’une attitude. Il s’agit en quelque sorte d’armer nos élèves pour qu’ils soient capables, sans nous, de faire des choix face aux situations inédites qu’ils rencontreront.



Offrir la possibilité de commencer
Être prof, c’est donner, offrir à d’autres la possibilité, la capacité de commencer à leur tours. Offrir la joie et la possibilité des commencements.

Il y a plusieurs manières d’être prof. Il est des façons de transmettre le savoir qui sont des véritables prises d’otages, des asservissements. Il y a des transmissions égoïstes, frileuses ; transmission où l’on craint que l’élève ne dépasse le maître, où la relation prof-élève doit impérativement maintenue inégale. Dans une certaine mesure, il s’agit d’une fausse transmission qui confisque le savoir à l’autre, qui le rend dépendant de moi.

A l’inverse, il est des manières d’être prof qui sont véritablement fécondes. Transmission où l’on se réjouit de ce que l’autre accède à un nouveau savoir ; transmission qui envisage l’autre. Une transmission généreuse et désintéressée. Une transmission où le non savoir de l’enseignant est une invitation à une recherche commune, une marque de modestie et d’humilité, de grandeur. Une relation où il est vraiment donné à l’autre la possibilité de commencer, de tracer son propre chemin.
Pour résumer, si l’on veut permettre l’autre d’accéder à lui-même, nous avons à être des éducateurs et non des séducteurs. Le séducteur est celui qui mène à soi (se-ducere). L’éducateur au contraire est celui qui fait sortir de (ex-ducere), celui qui mène hors de.

Être éducateur implique, je crois, la prise au sérieux deux dimensions importantes : la justesse de la relation et le poids, le statut de la Parole.
La justesse de la relation. Être éducateur est un travail de tous les jours. Ce n’est jamais gagné. Il faut pour cela trouver un mode de relation juste avec ses élèves. Ni trop près, ni trop loin. Ni trop près, pour ne pas être indifférencié ; ni trop loin, pour ne pas être indifférent. En somme, ni dévorer, ni vomir.
Le poids de la Parole. Nous le savons l’homme est un hétérotrophe ! Il lui faut, pour se développer et renouveler les composants de son corps, se nourrir de matière organique. Mais, nous le savons aussi, l’Homme ne se nourrit pas seulement de pain ! Il se nourrit de parole. L’homme est un verbophage/ logotrophe (?). Il ne suffit pas de pondre un bout de viande pour en faire un petit d’homme. Il faut l’adopter, le parler, lui parler, le nourrir de parole. Et ceci dans un seul but : lui permettre, à sont tours, d’accéder à la parole. Une parole en JE, en première personne ; une parole qui permette l’éveil du sujet. L’enseignement est un métier de parole.

Offrir à d’autre la possibilité de commencer, de prendre à leur tour la parole implique une responsabilité, notre parole a du poids. La parole peut donner vie, elle peut tuer aussi . Dans toute question de transmission se joue quelque chose d’un rapport de filiation. La Parole donne vie, engendre, fait croître.



Êtres des hommes du guet
Être prof, enfin, c’est avoir la chance de voir grandir ses élèves, d’être les témoins privilégiés de leur croissance, de leur développement.

Nous sommes des hommes du guet. Nous sommes là pour leur faire passer le bac ! pour, avec eux, faire la traversée. Accomplir le passage, en hébreux, pessah, la pâque. Mais comme Moïse ne mettant pieds en terre promise, notre mission s’arrête à la rive. Une fois la traversée accomplie, il nous faut revenir sur l’autre rive pour pouvoir, à nouveau, avec d’autres, accomplir la traversée. Nous sommes des hommes du guet, des passeurs.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Tout d'abord merci beaucoup à moïse de nous avoir accompagné cette année, ça n'a pas toujours été facil entre les rochers et la vase(sans commentaires). Mais au final, je vous le dit si vous n'aviez pas de nouvelles la classe a très bien reussi à l'epreuve de bac de svt. moi même j'ai le presir de vous annoncé que je suis satisfait de ma note de 15. Vous noterez que j'ai fait au mieux pour ne pas faire de fautes d'aurtorafes. au revoir et bn courage dans votre periple.

edouard blossier

Anonyme a dit…

Bonjour! Je découvre avec plaisir que vous vous êtes bien adapté à la vie méxicaine! ( le coup du 20degrés: je met un pull m'a bcp fait rire puisque chez nous il fait entre 0 et 10 degré ts les jours!!). Je voulais aussi vous remercier puisque j'en ai pas eu l'occasion, pour ces 2 années qui m'ont fait aimer la svt et pour ma note au bac! Mnt je ne fais plus de svt puisque je suis en commerce mais ce sont de bons souvenirs que mn année de terminale. Merci beaucoup et bonne continuation au mexique.