mardi 14 avril 2009

Un point sur ma mission

Voilà achevé les 40 jours de carême qui nous ont conduit du mercredi des cendres, c’était le 25 février dernier, à la semaine sainte. Temps de rencontre, de déplacements (dans tous les sens du terme), temps de jeûne et d’effort. Nous avons parcouru de part en part la paroisse, visitant chacune des 44 communautés ; à chaque fois, l’occasion de découvrir un peu plus le quotidien des jeunes, allant les inviter à se réunir, passant de maison en maison.

Le temps de carême a été, du point de vue de ma mission, un moment important. Un de mes objectifs est la formation des jeunes. Comment les aider à grandir et à prendre des responsabilités ? La culture dominante ici est l’autoritarisme. Il y a un chef, métisse évidemment, qui commande, les autres exécutent. Mais faisant cela, personne ne grandit. Pour moi, cela est le contraire de l’éducation. Mon objectif est bien illusoire, mais j’aimerais, au moins un peu, les aider à sortir de cela et à entrer dans une démarche qui fait grandir. En mars, nous avons organisé un we de formation « taller de lideres ». L’idée : différencier un chef d’un leader ; l’autre point d’attention : responsabiliser les jeunes de l’équipe d’animation et les jeunes représentants de chaque communauté. Je crois que cela a été profitable.
Une de mes satisfactions a été de voir les jeunes de Tanlajás qui sont dans l’équipe venir avec nous pour visiter les communautés. Pour certains, c’étaient la première fois qu’ils allaient dans une communauté. Forts de ces premières expériences, les jeunes ont organisés une retraite de carême, au cours de laquelle ils ont pu animer quelques activités.

Sortir du modèle autoritariste pour aller vers quelque chose de plus démocratique et participatif ne va pas sans poser de problème. Ce que je propose, modestement, est tout sauf rassurant. Si un responsable vient te dire ce que tu dois faire, alors tu n’es pas responsable de l’échec potentiel de l’entreprise. Tu n’as fait qu’obéir. En outre, si le responsable dit quelque chose c’est qu’il sait, lui. Le chef est donc absolument indispensable et ne se préoccupe donc en aucun cas de former un successeur.

Toute la séquence carême-semaine sainte a culminé avec l’organisation du chemin de croix. Après 7 mois ici, il m’arrive encore de m’étonner de ce que rien ne peut se faire avant, je devrais commencer pourtant à être habitué ; c’est tellement mieux de faire tout au dernier moment. Nous avons commencé à penser au chemin de croix il y a un mois ; nous avions prévu le trajet, le lieu des stations, la sonorisation. La seule chose qui nous manquait en début de semaine : les personnes qui allaient jouer les différents rôles. Un petit détaille. Après deux réunions où personne ne vint, finalement, le lundi saint, Carmen (l’ancienne responsable de pastorale des jeunes) est venu nous dire : Mirta va être Marie, Chucho, lui va être Judas, les deux larrons, c’est deux là, eux vont être soldats… sans se préoccuper des personnes que nous avions déjà trouvé. La moitié des personnes sont ou bien ses propres enfants ou bien des proches. Après quelques négociations, nous avons pu imposer les personnes que nous voulions pour certains rôles. Mardi, à trois jours de l’échéance, nous manquent toujours quelques personnages et un petit détail : comment faire la crucifixion. Mercredi saint : suite à d’innombrables problèmes de véhicules, il nous est impossible d’arriver à l’heure pour la répétition. Jeudi saint : notre Jésus s’est volatilisé. Répétition à 10h, il n’arrive qu’à 15h. Pendant ce temps, le mari de Carmen arrive hurlant s’époumoner contre tout le monde, s’indignant du manque d’organisation et de ce que nous avons changé des choses au chemin de croix de toujours. Inutile de préciser qu’auparavant, il n’est venu à aucune des réunions, ni n’a proposé son aide pour la préparation. Le simple plaisir de s’imposer comme sauveur du monde. Je vous passe les détails. Je lui aurais volontiers enfoncé avec force la couronne d’épine sur la tête. Ça m’a un peu énervé, ce qui au final n’est pas le plus grave. Les jeunes qui avaient préparé le chemin de croix eux ont été plus peinés de voir critiquer leur travail. Au final, cela leur a permis de voir la nette différence entre chef et leader et peut être d’entrapercevoir les limites de l’autoritarisme. Pour quelques uns au moins. Pour d’autres, au contraire, l’invention de Ramon a été bénéfique.

Dans l’Eglise comme en politique, il s’agit d’occuper le terrain, de penser en clan. L’objectif est, une fois attraper un petit bout de pouvoir, de s’y accrocher et de placer ses pions. Autant dire que la notion d’ecclésialité, d’Eglise comme peuple convoqué, qui ne s’est pas choisi… n’est pas trop intégrée.

Je suis sorti totalement épuisé de cette semaine sainte. Pour arranger le tout, le mercredi j’ai pris froid – seulement 25°. J’ai été pendant trois jours à ne pouvoir quasi rien manger. La chaleur, l’effort et les énervements ont eu raison des quelques kilos que je n’avais pas encore perdu.

La semaine sainte a été – exception faite de ces quelques énervements – une très belle semaine. Ce que nous avons réalisé avec les jeunes constitue des fondations importantes pour la suite.

S’ouvre maintenant une autre séquence : temps pascal avec visite de secteurs, organisation d’un deuxième we de leaders, d’un we musique et chant, camp de deux jours… Puis viendra l’été : rencontre nationale de la jeunesse missionnaire, sur la côté pacifique, rencontre diocésaine des jeunes… Pas le temps de s’ennuyer donc. Et la joie de voir, aussi modeste que cela soit, grandir les jeunes.

Aucun commentaire: