Bondée de touriste, de gringo principalement, ciel voilé, tours d’église qui ressemblent au château de la belle au bois dormant de Disney, et surtout arrivant de Guanajuato, San Miguel avait tout pour me déplaire, et ce en dépit des rues magnifiques, des maisons somptueuses. J’ai même été carrément déçu. Mon guide de voyage aurait-il été trop laudatif ?
J’ai tourné dans les rues, me suis faufilé entre les gens, nombreux sur la place, et j’ai fini, comme d’habitude, par aller me perdre dans les petites ruelles, un peu plus loin du centre. Le soir, je ne suis même pas allé voir le concert de musique de chambre ; je suis allé au cinéma, situé dans la zone industrielle, sacrilège pour cette ville classée au patrimoine mondiale de l’UNESCO. La décision était prise : j’irai dès demain sur Querétaro.
A l’auberge, je rencontre José et son frère venus d’Oaxaca, Félix qui est de San Miguel mais qui vient profiter de l’eau chaude de l’auberge, Ubaldo, jeune étudiant poblano (de Puebla) parti pour quelques semaines découvrir la région de San Miguel. Ensemble nous irons en pèlerinage sur les sites qui ont fait l’histoire de la nation mexicaine : Dolores Hidalgo et San Antonio Atotonilco. C’est de Dolores que le curé de l’époque, un certain Miguel Hidalgo qui donnera plus tard son nom à la ville, devait pousser son fameux cri dans la nuit du 16 septembre 1810 initiant ainsi un mouvement qui allait déboucher sur l’indépendance mexicaine. Le 15 septembre est désormais jour de fête nationale et dans chaque municipio, le maire renouvelle chaque année le cri de Hidalgo. Quand Hidalgo au matin réunit un groupe d’homme et de femme pour marcher sur San Miguel, il passe par le sanctuaire de San Antonio Atotonilco. C’est là qu’il prend pour drapeau l’étendard de la Vierge de Guadalupe transformant ainsi la Guadalupana en symbole de l’unité nationale.
Le soir de ce deuxième jour, nous allons assister au concert donné par le chœur de l’université de Yale, rien de moins. Tout juste magnifique. Vêpres solennelles pour un confesseur et Messe du couronnement pour commencer, spirituals et pièces contemporaines un peu dans le style Rutter dont les compositeurs américains ont le secret. Un pur moment de grâce. Premier moment de musique depuis que je suis au Mexique. Je sors du concert sur mon petit nuage.
Mardi, je profite du petit matin pour aller prendre mon café sur la place. En ce jour de marcher, les allés de grande place à la sortie de la ville débordent de gens. On y trouve tout, mais alors réellement de tout. C’est un bordel inimaginable, j’adore ça. Pas de chemise à ma taille, je rentre bredouille. Sont arrivés entre temps un couple de français, une argentine et un mexicain à l’auberge. En soirée, nous nous rendons dans un café concert. Ambiance surréaliste. On n’y parle qu’anglais. La danse rapidement se mêle à la guitare puis à la guimbarde électronique, mélange improbable.
Mercredi, il est 8h, la nuit a été très courte. Sur la place il y a encore peu de mouvement. Je suis seul à la terrasse du café. Le marchand de journaux étale ses quotidiens, l’anglais et l’espagnol se côtoient. Et je me retrouve là à contempler la ville et mon histoire, mon périple. San Miguel est en effet envoutant, ensorcelant, comme le dirait mon guide. Mais bien plus que les pierres, se sont les rencontres qui font les lieux, qui édifient. La beauté du lieu est conférée par la grâce de la rencontre. J’étais venu pour une nuit, j’y suis resté trois. Je resterai bien encore mais il me faut rentrer. Je passerai d’abord par Querétaro puis je regagnerai Tanlajás.
Le jeune Ubaldo voulait voyager, seul, pour se découvrir. Il avait raison. Mais en partie seulement. Pas seul, pas sans les autres. Ce sont nos rencontres qui nous façonnent. J’aime la bivalence de mot : découvrir. Pour savoir qui je suis, il faut que je me découvre, que je quitte le voile, le vélin opaque qui recouvre mon être. Il faut lever le voile, se dévoiler. Si tu veux te découvrir, il faut te dé-couvrir. Lever le voile permet de mettre les voiles. Mettre les voiles pour lever le voile. Voilà pourquoi nous allons de ville en ville, de rencontre en rencontre.
Mais mon identité, ce que je suis, n’est pas seulement quelque chose que je découvre/dévoile et qui nous préexisterait, c’est aussi quelque chose qui se construit et s’accueille dans la rencontre.
C’est horrible et génial ; ambiance de lendemain de fête, de dimanche après midi quand personne ne veut partir, rompre le charme, la magie du moment. Un café qui s’éternise. Il faut pourtant partir, mais je ne veux pas. Cela me coûte, mais je me lève. La petite équipe m’accompagne jusqu’à la centrale d’autobus. Direction Querétaro.
Découvrir un peu de San Miguel en photo.
1 commentaire:
Je suis bien content de lire de tes nouvelles en parcourant tes découvertes. J'attends par mail des nouvelles plus perso.
Hasta luego !
Enregistrer un commentaire